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„Eh bien! madame l'hôtesse, comment cela va-
t-il?" demanda le tonnelier. „Pas très bien," répon-
dit l'aubergiste; „les personnes de ^la ville entrent
presque toutes chez le voisin, à l'Etoile ; quant à
notre vin qui est certainement meilleur, ils le mé-
prisent. Je ne sais quelle*en est la cause."
„Je vous l'indiquerais bien," dit le tonnelier, „si
vous ne vouliez pas le prendre en mal."
„Point du tout," répondit l'hôtesse, „je le consi-
dérerai plutôt comme une marque d'amitié."
„Dans ce cas," continua le tonnelier, „je vais vous
le dire à l'instant."
„L'auberge de l'Etoile n'a pas, il est vrai, d'aussi
bon vin que vous, mais les verres en sont propres
et clairs comme du cristal. Votre auberge du So-
leil a certainement de meilleur vin ; mais les verres
en sont sales et tachés par les mouches, et le meil-
leur vin ne plaît jamais dans un verre qui n'est pas
propre. - "
Faites en sorte que vos verres soient aussi nets
que votre vin est bon, que les fenêtres, les tables,
le plancher lui-même, soient en harmonie avec la
propreté des verres, et les convives ne vous man-
queront point."
L'aubergiste prit ces paroles à cœur. Elle com-
mença aussitôt à balayer et à nettoyer. Elle fit
régner partout la plus grande propreté, et bientôt
elle ne put trouver assez de place pour les convives
qu'elle avait tous les jours.
„La propreté passe avant tout," disait-elle souvent
à ses enfants, „la saleté eût été la cause de notre ruine. '